"On est de son enfance, comme on est d'un pays"

Antoine de Saint-Exupéry

lundi 22 juin 2015

L'OMBRE DE LA LUNE




Lesud07




L’ombre de la lune


L'ombre de la lune
Vague sur ma joue
L'ombre de ton flanc
Effleure ma bouche
Délice de mes nuits
Tu es l'onde
Mille perles
Ô ivresse
Étanche  ma soif

L’Insolite traverse ma nuit
Tête couchée au pinacle
De mes sommets incurvés
Mains liées et corps enlacés
Gorgée d’opaques saveurs
Elle se blottit sans bruit
Sur mon sein et sur ma bouche
Usée de courir en mon jardin
Épuisée, elle s'endort radieuse

L’ombre galante
Trouble mon souffle
L’ombre de ta source
Je la devine pure
Divine eau
Elle se répand lumineuse
Fraîche  et secrète
À la dérobée
Sur mes lèvres

Boire à ta fontaine
Boire
En ton
Antre


Valérie Naelle



Lesud07







https://www.flickr.com/photos/lesud07/6828820565/in/faves-131200289@N07/

vendredi 12 juin 2015

MA BELLE EMBELLIE





Silence de N.H. Nouredine



Ma belle embellie


Abandonnée aux vagues
Ma pensée divague
Ma belle embellie surnage
Indécise sans lignage
Ma ferveur respire solitaire
Vide sans locataire
Mon étoile luit sage
Libre d'un souffle sauvage

Mes mots chutent telles des mouettes rieuses
Les ailes voltigeant sous des pressions joyeuses
Ma belle embellie, cette sirène sonne
Contre vents et marées, elle se donne
À cette houle qui lamine mes hauts-fonds
Mon cœur assassine tous sentiments profonds
Ces pulsions douées de fortes dépressions
Ont des vigueurs trop rudes sans initiations

Vos plages avaient un goût d’anis
L’abîme trouble d’un bel abysse
Où s’évaporaient des nuages mouvants
Dans le silence des brisants dérivants
Ma belle embellie avait vos yeux
Le tracé d’un horizon radieux
Immobile, les bras ouverts aux vents
Ingénue, je vous espérais en survivant

Ma raison se vide et tangue
Sur ma peau et sur ma langue
Ce goût de sel, c’est la vie hors lassitude
Juste quelques clapotis sans certitude
Où s'abattent des murs d’absolus
Le silence parle et me dit sans superflus
Toutes les couleurs rendent dérisoire
Les ondes amères non-potables à boire

Ma belle embellie, ma belle accalmie
Je scelle à vos lettres ma Belle Amie
La douceur tranquille d’une folle pensée
À ces coups de mer, j’ai résisté sans me froisser
Mon cœur vaincu a trouvé sur le lit du vent
Face à l’océan cette amène latitude en écrivant
Non plus à lui ! Je perds mon temps !
Pourtant, j’offre un dernier baisé à l’impénitent

Des choix d'une mauvaise de pioche
Ont eu raison de ma pétoche
Ma seule fortune en poche
Ma belle embellie mime Gavroche
À son fardeau, elle accroche
Une longue file de fantoches
Me direz-vous en riant telles ces roches
Que rien n’est fastoche ?

Ma belle embellie lutine libre
À contrepoids en équilibre
Telles ces mouettes rieuses
Elle s’est glissée sur les soyeuses
D’un miroir d’eau à Beaux Rivages
Leurs réflexions ont délesté des breuvages
Ces vagues à l’âme ont chaviré assurément
Pour un papillon, c’est vivre intensément

Passionnément !


Valérie Naelle



"Pour être dans une solitude absolue, il faut aimer d'un amour absolu"
Christian Bobin  





lundi 20 avril 2015

MUSE



Léda couchée au Cygne- Pierre Paul Rubens 


Muse


Ouvrir les yeux dans la lumière des brisants
Insuffler des frissons à votre oreille
Ma soif des hauts-fonds, mes désirs hurlants et cuisants
Pour quatre-heures décomptés emplies de merveilles

Nuit complice, les songes m'ont banni du silence
Où la noire quiétude de vos lèvres murmure le jour
Des mots soupirés qui se couvrent d'impatience
Je les sens sur ma peau, ils dansent, ils courent

De nos clairs après - midi, été comme hiver
J'ai conservé à mon palais vos saveurs de miel
Vos bras parapluies qui berçaient cette pubère
Prodiguant des leçons friponnes sous votre ciel

Sur mes pages, aucune tache blanche
Juste ma force pour vous écrire ma joie
Celle qui anime et inspire en avalanche
Ces galants versets où tout rougeoie

Je signe de mon souffle pour garder toujours
Mon ardeur qui demeure défendue à la tour
D'une clé gardée en mon cœur avec ferveur
Vous resterez à jamais cet impétueux trouveur

Le cygne qui se glissait fervent sur mon cœur


Valérie Naelle
 

lundi 6 avril 2015

ANGE



Sphinx regardant le rêve de Mnémosyne

Ilya Zomb


 Ange


Je suis un ange qui ne connaît pas la couleur
Mi-ombre, mi-lumière, je cherche mon archange
Je suis un ange qui ne connaît pas la chaleur
De ces arômes aux vapeurs étranges
En portion de rêves et sur mes lèvres
Ni goût d'anis, ni goût d'amertume
Juste ces douloureuses fièvres
Qui me laissent en croix sur le bitume

Je suis un ange qui ne connaît pas de liqueurs
Ni élixirs, ni absinthes et sèves
Je suis une bohémienne qui récite à contrecœur
Des vers et bois à des songes sans trêves
Dans ce calice ni émeraudes, ni parures dorées
Juste la force de mes souffles aspirés
En goutte-à-goutte en ondes évaporées
Par deux traits brossés sur des toiles déchirées

Je suis un ange grisé, ivre de désir
Dans ces jardins aux douceurs intemporelles
J'entrevois cet autel de tous les plaisirs
À son fronton, toutes les pièces incorporelles
Sont comme enlisées sur des rives d'infortune
Laissez-moi me perdre à ces douceurs oisives
Doucement m'étendre sur les lagunes
De ces étreintes brûlantes exclusives

Je suis un ange
Qui ne connaît que la brûlure
De cette piqûre qui m'éloigne de vous et m'en prive
Dépendance, je souffre à cette fêlure
Qui vide mes artères et me pousse à la dérive
Opalescence
Je suis un ange qui aime vos blancs sans rougeur
Quintessence
Je suis un ange qui ne connaît pas les effets ravageurs
D'un archange


Valérie Naelle
 




PLACE DE CHÂTELET




Ragespinloss




Place de Châtelet


Il pleure sur mon cœur
Je t'ai attendu des heures
À l'ombre de la Victoire ailée
Sous le tracé de mon plumier
La fontaine aux Palmiers
Prends des airs de corps de ballet
Quatre Sphinx patientent muets
La Seine tangue et berce
Mon cœur brisé par l'averse
De ces carences serties de vermeils
Le bras ballant de lampes en sommeil
Au Pont au Change
Mes lignes flânent et vendangent
Des pluies qui crèvent mes feuillets
Où le temps assassine nos menuets

Place de Châtelet
Mon âme a perdu son roitelet
Je t'ai attendu au centre du monde
Espérant retrouver ta douce onde
Mais ce n'était qu'un rêve
Où les cafés renvoient sans trêve
Ces éclats sans lumière où je me perds
Sans ta voix, sans repères
L'horloge de la Tour tourne sourde
Des lettres tristes et lourdes
Mon silence se fait prière
Les rues se voilent de lumières
Sous le regard des passants
Indifférence, agitation, fracas harassant
Un vieux chien sort de la foule
Pour sitôt disparaître dans la houle

Tourner la page à ce mirage
Outrepasser droit dans le virage
Brûler ma part de mystère
Aux douces vapeurs d'éther
Nulle tristesse, nulle peine
Sceller mes émotions, et même ma haine
Murer ma chair omise en mirador
À des vertiges de corps-à-corps
Enfouir en tombeau ma jeunesse
Condamner ma part de tendresse
Aux liqueurs grisantes
Ne retenir que ces raisons agonisantes

Place de Châtelet, il pleure sur mon cœur
La Seine a chanté ses reflets en chœur
La fontaine aux Palmiers à des airs de ballet
Je n'attends plus tes heures sur l'Îlet
L'horloge a sonné


Valérie Naelle

Pascal




jeudi 19 mars 2015

AU PASSÉ DES SAISONS








Pour passer les saisons 


Pour passer les saisons
Sans guetter les flocons 
Je suis vers Avignon 
Non dans mienne maison

Vous avez des raisons
De fuir loin en cocon
Je trouve trop mignon
Nos deux combinaisons

Le chemin est long
Il y en a qui le font
Moins en avançant, qu'à reculons
Cela me met hors des gonds !
Mais vous, papillon 
Comme dans un dessin de Folon
Vous errez, parfois à tâtons
Entre insouciance et abandon
Vivre est un sacré don !

Pardonnez ma candeur
Je ne suis qu’une enfant
Les yeux un peu trop grands
Mais mon cœur est profond
Messire si par pudeur
Je crains le jeu bouffant
Des tulles et c’est flagrant
Pour vous, je suis typhon
Vivre sans vous !

C'est dindon !


Valérie Naelle
Le Scribe

dimanche 1 février 2015

La fin du jour, la soirée arrive






La nuit tombe


À nouveau, tu vas me manquer
Je ne serai pas à ton banquet
Tu ne me verras pas sur ta rive

D'un froissement d'aile qui coupe l'air
Une pluie d'hirondelles traverse le ciel
Cisaille en menus feuillets mon cœur
Recouvre ma peau de blessures fermées
La fin du jour, la soirée arrive
Les libellules dansent sur l'eau
Elles partagent cet océan de rivière
Aux éphémères sorcières de laines
Les fées ont délaissé leurs robes
De fines dentelles et de brumes laiteuses
Leurs longues traînes filandreuses glissent sur l'eau
Recouvrant les bouquets de feuilles mortes

La fin du jour, la soirée arrive
Les derniers rayons de lumière émiettent mon cœur
Le jour et la nuit se croisent en deux mondes étranges
Vivre l'un sans l'autre
Une souffrance sans cesse redessinée en multiples traits 

La nuit tombe en creusant le silence aux étoiles
Le ciel scintille sous la coupe opalescente d'une lune
Troublée par le passage éphémère des nuages
Qui se disloquent à l'appel du vent
La fin du jour, la soirée arrive
Avec la nuit me parviennent ces peines amères
Des lames brûlantes d'épreuves et tant de questions
Qui ne trouvent de réponses que dans les remous
D'une eau qui chaque jour change son courant
Sa couleur est si sombre, elle cache trop de secrets
Qui naissent et s'oublient au gré des saisons
Dans un temps suspendu au fil de l'eau

La fin du jour, la soirée arrive
Comment mon souffle arriverait-il à passer dans le monde
Sans désirer vos baisers et vos terres si belles
Sans en conserver les contours à me perdre sur vos dunes

Se pourrait-il que les parfums les plus doux
Soient emprisonnés dans ces deux flacons de verre
De ces yeux où je découvre tant de peine
De ces mains posées l'une sur l'autre
La fin du jour, la soirée arrive
Les mots ont leurs silences et des plus singuliers
Des notes sourdes qui n'ont plus de raisons
Si peu en ce monde cherchent à les écouter
Votre chanson est arrivée à percer mon cœur
Elle me mande de garder cet amour pérenne
S'il est sublimé, c'est parce qu'il l'est
Avec son histoire en calice orné de grandes espérances

La fin du jour, la soirée arrive
Un manteau de velours noir recouvre la terre
La nuit saisit le jour, il en est ainsi depuis la nuit des temps
Telle est la fortune de ceux qui aiment et n'ont de richesses

Ils offrirent leurs cœurs en offrande aux berceaux étoilés
Leurs lèvres dessinèrent des chemins sous des pluies naissantes
Traçant sur ces voies la brûlure qu'engendre deux veines unies
Par le cœur et par l'esprit
La fin du jour, la soirée arrive
Les astres fixent émus cette femme au buste serti de satin blanc
Qui pose sur les genoux d'un amant, sa tête, découvrant une nuque
Où se lit que tous les courants retrouvent toujours le lit de l'océan
Ni jour, ni, nuit
Juste une chanson qui fait vœux et serments à lier deux âmes
Deux paroles offertes au temps

Valérie Naelle
Le Scribe






dimanche 4 janvier 2015

Les Encres Amères






 En fait


Peu m'importe si tu liras ces mots un jour
Ce soir
J'ai besoin de les aligner sur ces feuilles
En espérant qu'avec elles s'envolera mon ardeur
Où l'encre amère de tes mots ne se glisserait plus
À chacune de tes lettres me renvoyant à mes désirs
Où la raison s'imposerait par solitude
Dans une impulsion légère, irrésolue


J'écris
Je me suis laissé prendre malgré moi
À ce jeu trop cruel
Auquel j'avais juré que l'on ne me prendrait plus
J'étais certaine que tu aimais notre histoire d'amour
Celle que tu modelais dans tes carnets
Bien plus que moi
Que je me nourrissais en vain de nos espoirs
Dans ces attentes interminables


Quelle Belle utopie !
Moi qui voulais échapper à cette possession
Ma Grande espérance !
Trouver un démenti à cette terrible certitude
Dans ce duel où nos couplets se croisaient
J'ai relu ce soir ta dernière lettre
Tes mots sont si chauds
Si présent encore
Qu'ils m'ont fait oublier un instant
Le froid de ce silence


Que tu m'écrives
En bel enfant sans verbe à livrer tes émotions
Je t'aime, énormément
C'était il y a trop longtemps et depuis il y a ce vide
À quoi bon, je n'attends plus tes mots
J'ai la consolation de tes lettres et me faut-il admettre
Qu'ils aient été pour moi, ces je t'aime si beaux
Ces puissants accords
Au temps qui passe et creuse ton absence
J'ai soudain envie de dire mes tourments
Murer définitivement les portes de mon cœur
Pour me convaincre que tu m'oubliais placide
Que je ne t'aimais plus, mais c'était là comme parier
Sur un jeu faussé d'avance


Mon cœur hurlait au feu du crépuscule
J'oublie !
L'écho en mon cœur me répondait
Jamais !
De mes yeux ont coulé souvent des
Reviens !
Si mes mots ont voulu te chasser de ma mémoire
J'imagine mes encres trop amères
Où je reste malgré moi le funambule
De mes propres mots où je te supplie
De rester encore en mon palais


Désormais
S'éparpilleront sur la douceur de mes pages
Ces morceaux de moi déposés en exil
Mes lettres luttant contre mes peurs, mes doutes
L'insupportable pesanteur de mon corps
Qui écrase mes pensées les plus légères
Où je saisis au bras de l'évidence
Oui, en t'écrivant ce soir
Je n'ai plus qu'à contempler dans ce combat
Ce cruel duel à l'écho de mon cœur
Le résultat de cette amère bataille
L'amertume de mes mots
Mon ultime défaite où je croyais te maudire
Et pensais bien ne plus t'aimer puis mourir
Pourtant


Ces mots demeureront gardiens de mes secrets
Où mon cœur conservera en palissade d'écume
Cette brûlure silencieuse, le mystère de ces encres amères



Valérie Naelle







lundi 29 décembre 2014

En réaménagement de mon blog, je vous offre cet "Hommage à un grand Sage"




Discours du Chef Seattle


Discours prononcé en 1854 par Seattle (v. 1786-1866),chef des tribus Duwamish et Suquamish, devant le gouverneur Isaac Stevens.
Il s’agit de la traduction française de la version anachronique de Ted Perry.


Comment pouvez-vous acheter ou vendre le ciel, la chaleur de la terre ?
L’idée nous paraît étrange. Si nous ne possédons pas la fraîcheur de l’air et le miroitement de l’eau, comment est-ce que vous pouvez les acheter ?
Chaque parcelle de cette terre est sacrée pour mon peuple.
Chaque aiguille de pin luisante, chaque rive sableuse, chaque lambeau de brume dans les bois sombres, chaque clairière et chaque bourdonnement d’insecte sont sacrés dans le souvenir et l’expérience de mon peuple.
La sève qui coule dans les arbres transporte les souvenirs de l’homme rouge.
Les morts des hommes blancs oublient le pays de leur naissance lorsqu’ils vont se promener parmi les étoiles. Nos morts n’oublient jamais cette terre magnifique, car elle est la mère de l’homme rouge. Nous sommes une partie de la terre, et elle fait partie de nous. Les fleurs parfumées sont nos sœurs ; le cerf, le cheval, le grand aigle, ce sont nos frères. Les crêtes rocheuses, les sucs dans les prés, la chaleur du poney, et l’homme, tous appartiennent à la même famille.
Aussi lorsque le Grand Chef à Washington envoie dire qu’il veut acheter notre terre, demande-t-il beaucoup de nous. Le Grand chef envoie dire qu’il nous réservera un endroit de façon que nous puissions vivre confortablement entre nous. Il sera notre père et nous serons ses enfants. Nous considérons donc, votre offre d’acheter notre terre. Mais ce ne sera pas facile. Car cette terre nous est sacrée.
Cette eau scintillante qui coule dans les ruisseaux et les rivières n’est pas seulement de l’eau mais le sang de nos ancêtres. Si nous vous vendons de la terre, vous devez vous rappeler qu’elle est sacrée et que chaque reflet spectral dans l’eau claire des lacs parle d’événements et de souvenirs de la vie de mon peuple. Le murmure de l’eau est la voix du père de mon père.
Les rivières sont nos frères, elles étanchent notre soif. Les rivières portent nos canoës, et nourrissent nos enfants. Si nous vous vendons notre terre, vous devez désormais vous rappeler, et l’enseigner à vos enfants, que les rivières sont nos frères et les vôtres, et vous devez désormais montrer pour les rivières la tendresse que vous montreriez pour un frère. Nous savons que l’homme blanc ne comprend pas nos mœurs. Une parcelle de terre ressemble pour lui à la suivante, car c’est un étranger qui arrive dans la nuit et prend à la terre ce dont il a besoin. La terre n’est pas son frère, mais son ennemi, et lorsqu’il l’a conquise, il va plus loin. Il abandonne la tombe de ses aïeux, et cela ne le tracasse pas. Il enlève la terre à ses enfants et cela ne le tracasse pas. La tombe de ses aïeux et le patrimoine de ses enfants tombent dans l’oubli. Il traite sa mère, la terre, et son frère, le ciel, comme des choses à acheter, piller, vendre comme les moutons ou les perles brillantes. Son appétit dévorera la terre et ne laissera derrière lui qu’un désert.
Il n’y a pas d’endroit paisible dans les villes de l’homme blanc. Pas d’endroit pour entendre les feuilles se dérouler au printemps, ou le froissement des ailes d’un insecte. Mais peut-être est-ce parce que je suis un sauvage et ne comprends pas. Le vacarme semble seulement insulter les oreilles. Et quel intérêt y a-t-il à vivre si l’homme ne peut entendre le cri solitaire de l’engoulevent ou les palabres des grenouilles autour d’un étang la nuit ? Je suis un homme rouge et ne comprends pas. L’Indien préfère le son doux du vent s’élançant au-dessus de la face d’un étang, et l’odeur du vent lui-même, lavé par la pluie de midi, ou parfumé par le pin pignon.
L’air est précieux à l’homme rouge, car toutes choses partagent le même souffle.
La bête, l’arbre, l’homme. Ils partagent tous le même souffle.
L’homme blanc ne semble pas remarquer l’air qu’il respire. Comme un homme qui met plusieurs jours à expirer, il est insensible à la puanteur. Mais si nous vous vendons notre terre, vous devez vous rappeler que l’air nous est précieux, que l’air partage son esprit avec tout ce qu’il fait vivre. Le vent qui a donné à notre grand-père son premier souffle a aussi reçu son dernier soupir. Et si nous vous vendons notre terre, vous devez la garder à part et la tenir pour sacrée, comme un endroit où même l’homme blanc peut aller goûter le vent adouci par les fleurs des prés. Nous considérerons donc votre offre d’acheter notre terre. Mais si nous décidons de l’accepter, j’y mettrai une condition : l’homme blanc devra traiter les bêtes de cette terre comme ses frères.
Je suis un sauvage et je ne connais pas d’autre façon de vivre.
J’ai vu un millier de bisons pourrissant sur la prairie, abandonnés par l’homme blanc qui les avait abattus d’un train qui passait. Je suis un sauvage et ne comprends pas comment le cheval de fer fumant peut être plus important que le bison que nous ne tuons que pour subsister.
Qu’est-ce que l’homme sans les bêtes ?. Si toutes les bêtes disparaissaient, l’homme mourrait d’une grande solitude de l’esprit. Car ce qui arrive aux bêtes, arrive bientôt à l’homme. Toutes choses se tiennent.
Vous devez apprendre à vos enfants que le sol qu’ils foulent est fait des cendres de nos aïeux. Pour qu’ils respectent la terre, dites à vos enfants qu’elle est enrichie par les vies de notre race. Enseignez à vos enfants ce que nous avons enseigné aux nôtres, que la terre est notre mère. Tout ce qui arrive à la terre, arrive aux fils de la terre. Si les hommes crachent sur le sol, ils crachent sur eux-mêmes.
Nous savons au moins ceci : la terre n’appartient pas à l’homme ; l’homme appartient à la terre. Cela, nous le savons. Toutes choses se tiennent comme le sang qui unit une même famille. Toutes choses se tiennent.
Tout ce qui arrive à la terre, arrive aux fils de la terre.
Ce n’est pas l’homme qui a tissé la trame de la vie : il en est seulement un fil. Tout ce qu’il fait à la trame, il le fait à lui-même.
Même l’homme blanc, dont le dieu se promène et parle avec lui comme deux amis ensemble, ne peut être dispensé de la destinée commune. Après tout, nous sommes peut-être frères. Nous verrons bien. Il y a une chose que nous savons, et que l’homme blanc découvrira peut-être un jour, c’est que notre dieu est le même dieu. Il se peut que vous pensiez maintenant le posséder comme vous voulez posséder notre terre, mais vous ne pouvez pas. Il est le dieu de l’homme, et sa pitié est égale pour l’homme rouge et le blanc. Cette terre lui est précieuse, et nuire à la terre, c’est accabler de mépris son créateur. Les Blancs aussi disparaîtront ; peut-être plus tôt que toutes les autres tribus. Contaminez votre lit, et vous suffoquerez une nuit dans vos propres détritus.
Mais en mourant vous brillerez avec éclat, ardents de la force du dieu qui vous a amenés jusqu’à cette terre et qui pour quelque dessein particulier vous a fait dominer cette terre et l’homme rouge. Cette destinée est un mystère pour nous, car nous ne comprenons pas lorsque les bisons sont tous massacrés, les chevaux sauvages domptés, les coins secrets de la forêt chargés du fumet de beaucoup d’hommes, et la vue des collines en pleines fleurs ternie par des fils qui parlent.
Où est le hallier ? Disparu. Où est l’aigle ? Disparu.
La fin de la vie, le début de la survivance.
Chef Seattle, 1854




http://fr.wikisource.org/wiki/Discours_du_Chef_Seattle_en_1854