"On est de son enfance, comme on est d'un pays"

Antoine de Saint-Exupéry

vendredi 13 juillet 2018

Ma part d'envolée








Ma part d'envolée

Je réclame la patience à mon impatience
La lune, les étoiles et le temps en audience
Dans la course folle des nuages
Saisir à ton front la brise qui voyage
La fuite des courants de jusant
La déflagration des vagues aux brisants 

En marge de mes rêves  
Je voyage nue sur la grève
La nuit s’est refermée sur nos cœurs 
Une terre marquée par nos rancœurs
Un chemin sans fin, sans chaleur
Déserté par l’éclat de nos couleurs

Me pardonneras-tu mes faiblesses
Ces non-dits sans lettres de noblesse
Cette part aveugle qui désavantage 
Et sans vœux d'arrimage
Où ma pensée vogue libre
Toujours en déséquilibre

À l’approche du plaisir
Dans ces instants troublés par nos désirs
Pour toi mon insolite, ma déchirure
J’ai rangé nos silences et nos blessures
D’une encre délayée que le temps achève 
Sous des lames d’abîmes où les mots crèvent

Si le tour de mon cœur est égal au tour de la terre
Bien plus grand que l’espace qui nous enserre
Si les silences sèment leurs chants à travers l’univers
Lors, je ne crains plus l’exil de mes vers
Et ma voix embrassera à jamais d'une encre sage
 Ma plus belle part d’envolée en héritage


Valérie Naelle   




Photo : Jean Marc Taveau 17340  " À table "

 https://www.flickr.com/photos/jmt17341/33481590352/in/faves-131200289@N07/

mardi 10 juillet 2018

La rivière aux amarantes






La rivière aux amarantes


Je suis la rivière qui chante 
À mon bras qui se balance
Chancelle et danse
La farandole des belles filantes
La lune ronde se couvre les yeux
D’étoles impalpables de nues
Du vol des éphémères mystérieux
Qui se meurent sur la brise ingénue
L’ombre passagère et gracile
De la mouette étincelante
Éffleure d’un battement de cils
Le flux des marées montantes
Elle traverse silencieuse
La nappe immobile et secrète
De l’étale paresseuse
Où se pavane la Grande Aigrette


Je suis la rivière vivante
Je voyage à travers des siècles de légende
Avec mes vignes de Graves si loin des Landes
Ma province a des airs de La Toscane troublante
À la lisière des crêtes qui ondulent
La pluie compose des bulles et sillonne des ridules
La brume nimbe de son manteau d’hermine
La Galante Gabare girondine
Deux cygnes valsent en panache
À la dérive sur le courant du jusant
Les encolures alanguies en arche
Leurs ailes déployées dans le néant
Crèvent les ténèbres d’une nuit
Éclairée des feux des nébuleuses
Au matin, le milan royal croise la pluie
Et l’ivresse de la mouette rieuse

Je suis la rivière mystérieuse
Méandre qui serpente lumineuse
Au flanc de L'Entre-deux-Mers
De ma province douce-amère
Mes crus fleurent les fragrances troublantes
Du feu brûlant des amarantes
L'aube esquisse d'un rayon de lumière
Et d'éclats de grenat la flamboyante rosace
De la paroisse tournée vers l'estuaire
Les palombes signent sur l'azur ma dédicace
Au fil des saisons que le temps barbouille
Ni la tempête océane, ni la houle tourmentée
Ne viennent briser le silence des gargouilles
Dont les gueules crachent des larmes argentées

Valérie Naelle