"On est de son enfance, comme on est d'un pays"

Antoine de Saint-Exupéry

lundi 20 avril 2015

MUSE



Léda couchée au Cygne- Pierre Paul Rubens 


Muse


Ouvrir les yeux dans la lumière des brisants
Insuffler des frissons à votre oreille
Ma soif des hauts-fonds, mes désirs hurlants et cuisants
Pour quatre-heures décomptés emplies de merveilles

Nuit complice, les songes m'ont banni du silence
Où la noire quiétude de vos lèvres murmure le jour
Des mots soupirés qui se couvrent d'impatience
Je les sens sur ma peau, ils dansent, ils courent

De nos clairs après - midi, été comme hiver
J'ai conservé à mon palais vos saveurs de miel
Vos bras parapluies qui berçaient cette pubère
Prodiguant des leçons friponnes sous votre ciel

Sur mes pages, aucune tache blanche
Juste ma force pour vous écrire ma joie
Celle qui anime et inspire en avalanche
Ces galants versets où tout rougeoie

Je signe de mon souffle pour garder toujours
Mon ardeur qui demeure défendue à la tour
D'une clé gardée en mon cœur avec ferveur
Vous resterez à jamais cet impétueux trouveur

Le cygne qui se glissait fervent sur mon cœur


Valérie Naelle
 

lundi 6 avril 2015

ANGE



Sphinx regardant le rêve de Mnémosyne

Ilya Zomb


 Ange


Je suis un ange qui ne connaît pas la couleur
Mi-ombre, mi-lumière, je cherche mon archange
Je suis un ange qui ne connaît pas la chaleur
De ces arômes aux vapeurs étranges
En portion de rêves et sur mes lèvres
Ni goût d'anis, ni goût d'amertume
Juste ces douloureuses fièvres
Qui me laissent en croix sur le bitume

Je suis un ange qui ne connaît pas de liqueurs
Ni élixirs, ni absinthes et sèves
Je suis une bohémienne qui récite à contrecœur
Des vers et bois à des songes sans trêves
Dans ce calice ni émeraudes, ni parures dorées
Juste la force de mes souffles aspirés
En goutte-à-goutte en ondes évaporées
Par deux traits brossés sur des toiles déchirées

Je suis un ange grisé, ivre de désir
Dans ces jardins aux douceurs intemporelles
J'entrevois cet autel de tous les plaisirs
À son fronton, toutes les pièces incorporelles
Sont comme enlisées sur des rives d'infortune
Laissez-moi me perdre à ces douceurs oisives
Doucement m'étendre sur les lagunes
De ces étreintes brûlantes exclusives

Je suis un ange
Qui ne connaît que la brûlure
De cette piqûre qui m'éloigne de vous et m'en prive
Dépendance, je souffre à cette fêlure
Qui vide mes artères et me pousse à la dérive
Opalescence
Je suis un ange qui aime vos blancs sans rougeur
Quintessence
Je suis un ange qui ne connaît pas les effets ravageurs
D'un archange


Valérie Naelle
 




PLACE DE CHÂTELET




Ragespinloss




Place de Châtelet


Il pleure sur mon cœur
Je t'ai attendu des heures
À l'ombre de la Victoire ailée
Sous le tracé de mon plumier
La fontaine aux Palmiers
Prends des airs de corps de ballet
Quatre Sphinx patientent muets
La Seine tangue et berce
Mon cœur brisé par l'averse
De ces carences serties de vermeils
Le bras ballant de lampes en sommeil
Au Pont au Change
Mes lignes flânent et vendangent
Des pluies qui crèvent mes feuillets
Où le temps assassine nos menuets

Place de Châtelet
Mon âme a perdu son roitelet
Je t'ai attendu au centre du monde
Espérant retrouver ta douce onde
Mais ce n'était qu'un rêve
Où les cafés renvoient sans trêve
Ces éclats sans lumière où je me perds
Sans ta voix, sans repères
L'horloge de la Tour tourne sourde
Des lettres tristes et lourdes
Mon silence se fait prière
Les rues se voilent de lumières
Sous le regard des passants
Indifférence, agitation, fracas harassant
Un vieux chien sort de la foule
Pour sitôt disparaître dans la houle

Tourner la page à ce mirage
Outrepasser droit dans le virage
Brûler ma part de mystère
Aux douces vapeurs d'éther
Nulle tristesse, nulle peine
Sceller mes émotions, et même ma haine
Murer ma chair omise en mirador
À des vertiges de corps-à-corps
Enfouir en tombeau ma jeunesse
Condamner ma part de tendresse
Aux liqueurs grisantes
Ne retenir que ces raisons agonisantes

Place de Châtelet, il pleure sur mon cœur
La Seine a chanté ses reflets en chœur
La fontaine aux Palmiers à des airs de ballet
Je n'attends plus tes heures sur l'Îlet
L'horloge a sonné


Valérie Naelle

Pascal