"On est de son enfance, comme on est d'un pays"

Antoine de Saint-Exupéry

mercredi 11 novembre 2020

Dans les Jardins du Ségala








Dans les Jardins du Ségala

L'homme phare de Trompettes Girolles


Sur les chemins de Sanalmolsosa
Aux Tours de Merle, le temps s'est arrêté
À l'ombre des châteaux forts emplis de mystères
Il se chante jusqu'aux gorges de la Maronne
Des poèmes et des contes qui se fredonnent
Jusqu'au cœur de la vallée de la Cère
Sous les tapis de fleurs à peine écloses
Émergent des ruisseaux de perles claires
Des prairies où l'eau jaillissante épouse
De vertes vallées millénaires
C'est tout un monde qui naît, vit et meurt
Sous une bienveillante demeure

"Je t'écris à quel point  tu manques 
À la table d'hôte où les accents joyeux reposent "

Tu étais venu avec l'aube princière
Ayant scrupuleusement choisi ton jour
La nuit arrachait au ciel les étoiles nourricières
Tes yeux, je m'en souviendrais toujours
Deux parts lumineuses sous des tempes grises
Tes mains veinées d'anciennes couleurs
Deux piliers de sagesse ancrés dans une terre éprise
Les forces d'un antique phare veilleur
Tu arrivais de Sousceyrac, en homme paisible et discret
Celui qui d'un regard avait tout comprit
De mes silences et clos secrets
Nous cheminions opposés par un demi-siècle d'esprit

"Sans doute bien plus 
Pourtant, je ne ressentais pas la charge du temps"

À la lueur de nos lampes, je découvrais sous les châtaigniers
Tapis dans la tiédeur des mousses frivoles
Foulant des terres noires et d’humus imprégné
Ces chemins de mystères où valsent les lucioles
Sous la coupe opale d'une aube sans âge
Exhalaient d'arômes  avant l'office des matines
D’insolites parfums de fougères et de fleurs sauvages
Dans la douceur des Jardins du Ségala
Juste après la chute des pluies lutines
Ta voix chuchotait sous les premiers rayons
Sur les feuilles, paillettes d'or et lumières en éclats
Éclaboussures et reflets argentés faisaient le réveillon

"Tu découvrais ému et rêveur
La fraîcheur de mes printemps"

Dans cette belle demeure où la pensée voyage
Les branches de houx enrubannées
Poussées d'une main usée d'années en sillage
Se paraient de lierres couronnés
Tu m'avais dit d'un murmure qui ne souhaitait réveiller 
À nos pieds, l'enfant couleuvre ensommeillé 
Regarde !
Je découvrais La gauloise, Brive-la-Gaillarde
Toute la beauté du monde
Dans un champ de trompettes girolles
Telle une mer mouvante où la lumière en onde
 Illuminait les sorcières  qui valsaient en farandoles

Tu m’offrais le temps pour une prose
Pourtant !
Ces kilos d'or et de poésie en pots ont fini !

Je t'embrasse, mon bel ami
Sache d'où désormais, tu gis
Au pays merveilleux des Trompettes Girolles
Survit en nous l'empreinte de tes paroles
Tu nous contaient que le vent respire sous les pierres
Que les chants fredonnés sont des récits de lumières
Dans le langage étincelant des forces nature
Que nous sommes à la fois source et terre de pâture
À tes accents, toutes les forces de l'univers
Surgissaient sous la frisure d'herbes mentholées
Entre et sur chaque pierre posée la magie de te vers
Nous rappelle la force paisible d’un homme comblé

"Sur les chemins de ta mémoire
Je ne verserais jamais de larmes
Mais toute ma joie au souvenir de ton sourire"

Sur la carte jaunie de ton dernier printemps
Je garde précieusement ton regard bienveillant
Concentré à tresser en gestes précis
Dans la chaleur de l'âtre du Quercy
Les paniers de nos consciences
Que de fins roseaux de l'insouciance
Tu écoutais sans mot dire dans le silence
D’un homme sage emplit de patience 
Dans les Jardins du Ségala
Je suis passé par là
Où pour ma part tu demeureras 
Le roi des elfes, un grand seigneur ,notre bel ami

Un pannasseur
L'homme phare Des Trompettes Girolles

À Maurice C.


Paris 1989 (revue en 2020)





Photo de Jean-Pierre Ossorlo