"On est de son enfance, comme on est d'un pays"

Antoine de Saint-Exupéry

samedi 22 avril 2017

La Fontaine aux Perroquets




      


Plume bleue "Maëlys" Novembre 2019


La Fontaine aux Perroquets 


À l'ombre des grands peupliers
 À ciel couvert par un doux bleu d'opale 
Un jardin d'hiver ouvre toutes ses portes 
Sur un château de fées 
À l'ombre des cyprès 
Des châtaigniers et des marronniers 
En aval d'un chemin de mystère 
Sous le regard des statues de pierres amusées 
Une fontaine abrite sans discrétion d'étranges oiseaux
Des clandestins  aux cris railleurs
Aux plumages multicolores arrivés des pays lointains
Ces oiseaux moqueurs sont d'audacieux voltigeurs
Sur la surface de l'eau, sans ménagement
Ils ont pris possession de cet océan des merveilles
Le parc aux allées de dentelles étincelantes
 Gardé fidèlement par d'antiques dieux
Est resté à découvert de ces pilleurs
De biscuits de qualité supérieurs uniquement
Le cru de ce qu'il se fait de mieux
Dans la ville de Sceaux où l'ont dit
Les boulangers et les chocolatiers sont les meilleurs 

Voltigeant de-ci, de-là
Ils quittent les sous-bois de ce petit coin de paradis
Poursuivant les promeneurs jusqu’à les débusquer
Sous les cerisiers japonais
Ils viennent mendier et picorer été comme hiver 
Puis s’en vont ragaillardis 
Ces canailles désinvoltes ont l’audace  
De ne point connaître la monnaie
Ces oiseaux malicieux vont à la quête 
Comme ils vont au bal sans jamais se soucier
Sous le regard suffisant des merles râleurs 
Et des cygnes emmitouflés d'hermine
J’ai dans le cœur la douceur des étendues de jade 
Des sapins à l'aplomb rectilignes
Et des jets spectaculaires émergeant des bassins
 Pour la plus grande joie des flâneurs  et des écoliers


Valérie Naelle

Sceaux, janvier 2013-02-07





Pour toi Maëlys, ma puce
Je sais que tu adores cette chanson


samedi 4 mars 2017

L'instant de la Truite Arc-en-Ciel (2)





"Emma" 



La Maison des êtres Rêvés

Elle se leva sans le quitter du regard, l’air battait sa robe de dentelle blanche. Elle marcha dans sa direction, puis s’immobilisa comme arrêtée à la limite du monde.
L’instant ne dura que quelques secondes, une truite arc-en-ciel se souleva des eaux et en éclaboussa la surface. Une pluie fine se mit à tomber, filtrant les rayons du soleil, troublant le flux régulier de l’eau en éclat de perles lumineuses. C’est alors qu’il la vit plonger dans la rivière et suivre les remous du poisson sauvage. Elle nagea une longue brasse sous l’eau, les boucles de ses cheveux se dispersèrent à la surface formant le contour vague d’une aile d’ange puis, elle disparut aussi brusquement qu’elle lui était apparue.
Dès cet instant, son cœur s’était mis à battre comme au premier jour de sa naissance et il ne cessa de battre durant toute une vie pour deux perles opalines et une mèche de cheveux tombant négligemment sur une épaule d’enfant. 
Il ne la revit jamais, ce n’est pourtant pas faute de l’avoir désespérément cherché toute sa vie. Son corps changeait, mais son cœur restait amoureux avec cette constance qu’ont les âmes pures à aimer. Il regagnait chaque fois qu’il lui fut possible la maison de son enfance où il ne manquait jamais de revenir sur le ponton espérant la retrouver.
Les années qui suivirent ne prirent leur importance que dans l’attente du parcours qui guidait ses pas jusqu'aux portes de sa bâtisse. 
À son fronton, une inscription avait été gravée, un regard posé sur la pierre, l’on pouvait sans résultat en déchiffrer le contenu. Le temps avait épuisé la roche et rendu la phrase à peine lisible. Chaque été, lorsqu'il en ouvrait enfin l’accès de sa maison après l'attente interminable des jours passés en ville, le temps s’arrêtait au seuil de ce nouveau monde dont lui seul avait les clefs et les secrets.
Le temps avait fini par peindre dans ses cheveux de son mystérieux pinceau, les couleurs de l’hiver. Au plus beau jour de sa vie, il choisit de clore les pages de son existence à la recherche de son rêve. 
Ce fut avec une profonde tristesse qu’il quittât la maison de son enfance et qu’il descendit, pour une dernière fois, les escaliers de bois qui le menaient à la rive.



"Le Héron Bleu"
Dan


C

’est alors qu’une chose étonnante se passa, il pouvait nettement lire au fronton de sa maison les inscriptions gravées dans la pierre. Son cœur se mit à battre si fort que sa poitrine gonflée par ce nouveau souffle lui fit atrocement mal.
Puis, se retournant, il la revit l’instant d’un souffle sublimé par l’intensité d’un regard d’enfant. Cet instant qui vous porte toute votre vie et vous pousse à parcourir le monde à la recherche de ce rêve qui n'existe nulle part ailleurs qu’au plus profond de votre cœur. 
Elle sortit de l’eau et longea la rive, il se mit à la suivre où chaque seconde passée semblait se consumer interminablement. Il franchit en haletant les hautes herbes et les fougères arborescentes en dévalant le chemin escarpé qui menait à la rivière. Il se retrouva là, debout, essoufflé, attendant quelques sortilèges pour retenir l’amour de sa vie. Lorsque ses yeux se posèrent sur ses mains, il comprit l’essence ultime de sa quête. 
Il avait cinq ans, toute sa vie, il avait eu cinq ans, il avait gardé en lui cet âge doux des âmes pures qui parfois s’oublient, les Âmes des Êtres Rêvés et sa maison en avait été le château. 
Elle était là, elle le regardait avec ce léger sourire qu’ont les anges lorsqu'ils s’apprêtent à faire quelques bêtises, pris en flagrant délit, le doigt plongé dans le pot de confitures.
Il goûtait avec délice cet instant de magie absolue tel au jour où il la vit pour la première fois. Le temps arrêté le renvoyait à cet instant unique dont la magie avait empli son cœur et mené aux choses les plus simples, celles de son enfance.
Elles avaient grandi en lui et sans s’en apercevoir, il n’avait pu saisir qu’elles n’étaient pas seulement en lui mais qu’elles faisaient partie de cet être, de cet homme dont il possédait le corps.
Une truite arc-en-ciel se souleva des eaux sombres de la rivière, elle éclaboussa la surface polie par les rayons du soleil. Une pluie fine se mit à tomber, le soleil perça les nuages et la lumière se répandit à la surface de l’eau créant des remous de perles opalines. 
La fillette au chignon mal ajusté murmura une phrase que seul son cœur pouvait déchiffrer où les mots avaient traversé le temps pour finalement lui parvenir. Ces mots lui soufflaient la vie, tous les secrets, toutes les questions et les réponses qui l’avaient assailli au long de son existence.
Puis, elle plongea dans l’eau, il l’a suivi sans hésiter. Il nagea aussi fort que cela lui fut possible et jusqu'à l’épuisement.
Est-ce ainsi que les cœurs amoureux se retrouvent ? Personne ne le sait et ne le saura jamais. Après une vie bien consumée, il trouva sur une autre rive tous les fruits de son enfance et la certitude d’avoir et de savoir les choses les plus simples.




Opaline





Sambatra izay mahita ny làlana mankany amin'ny zavatra tsotra
Sambatra, ireo izay efa nitandrina ny zanany ny fanahy
sy tena tsara iray tsy manam-paharoa halehiben'ny fitiavana
Tonga soa ho anao, tao an-tranon'i nanonofy olombelona
Nos marins racontent que certains jours sont meilleurs que d’autres, ces jours où l’on ne sait pourquoi la nature est si bonne avec l’homme, que la pêche à la truite est comme miraculeuse. Lorsque leurs bateaux entrent en direction du port brisant les eaux floues qui les assaillent, cherchant désespérément dans les ténèbres salées, leurs voies à la lueur du phare, ils perçoivent au loin sur la berge une étrange vision. 
Le ciel obscurci se dégage à l’embouchure, la lumière soulève lentement au-dessus des eaux froides, une brume étrange qui caresse l’eau.
À un moment précis de cette journée, entre pluies fines et ciel d’un bleu étincelant, ils peuvent observer la silhouette floue de deux enfants qui courent et qui se tiennent par la main. La chose pourrait sembler assez banale, si ce n’est qu'évoquant cette furtive vision, ils s’étaient rendu compte qu’ils parlaient des mêmes enfants au même moment, mais à des endroits différents.
Cet instant, ils la nomment, L’instant de la truite Arc-en-Ciel. Cet instant où le sel de la mer se fusionne aux eaux douces de la rivière, d’une étreinte perpétuelle sans jamais qu’aucun des deux ne s’étreignent.
Lorsque vous aurez un peu de temps pour les choses, les plus simples, changez votre route, bifurquez et prenez celle qui mène à vos inspirations, pourquoi pas à celles de votre enfance.
Puis, sans doute, vous arrêterez-vous un jour devant ma maison, celle des Êtres Rêvés. Une maison dont la peau usée par le temps se couvre de lierres et de glycines.
Vous la reconnaîtrez, car à son fronton sont gravées ces quatre phrases. 



Valérie Naelle


"Clos Pichat-Parc Pichat-Pierres dorées"
Vallée d'Azergues
de tamycoladelyves

Heureux, celles et ceux qui trouvent leurs chemins aux choses les plus simples
Heureux, celles et ceux qui ont su garder leur âme d’enfant
Et la sublime grandeur d’un amour unique
Bienvenue, à vous dans la maison des Êtres Rêvés

Valérie Naelle



Je remercie les photographes de Flickr pour leur participation à mes pages, de leur enthousiasme qui les pousse à cette quête de beauté et d'absolu. N'hésitez pas à faire un pas sur leurs liens afin d'admirer leur remarquable travail.


« Emma » et Emma "Explored" de 7ns (****)
https://www.flickr.com/photos/by_7ns/14865621068/in/faves-131200289@N07/

"Le Héron bBleu" dans jardin botanique de Montréal de Meunière Dan

Clos Prichat- Parc Prichat-Vallée de Vezègues de Tamycoladelyves
https://www.flickr.com/photos/natureboheme/collections/72157631539294114/

jeudi 2 mars 2017

L'instant de la Truite Arc-en-Ciel (1)




"Sirène" de Ciloon 


L’instant de la Truite Arc-en-Ciel (I)
de Valérie Naelle


L'enfance miraculeuse


E
n traversant les prés jusqu'à la lisière des bois, foulant les parterres d’herbes folles, où de fières pâquerettes à têtes blanches resplendissaient dans la clarté du jour, il perçut qu’une chose  résolue changerait sa vie. Il posa pour la première fois son regard sur la maison et ce fut avec des yeux d’enfant ébloui par l’éclat des prairies qui l'entouraient. 
À perte de vue, de larges bandes rectilignes jaunes s'étendaient jusqu'à dévorer l'horizon, comme si une main prévenante avait façonné puis laqué de lumière la terre. Le soleil, une boule brûlante suspendue dans le bleu du ciel semblait s'impatienter dans les premiers rayons du jour. 
Les belles sorcières dansaient dans la douce lumière du matin, en un ballet étourdissant de plumes légères. Elles s’envolaient rebelles et impalpables à l’assaut des vents en prenant la direction de la rivière. Un souffle frais parfumait l’air, murmurait d’un léger courant l’étendue rayonnante des feux dorés du soleil.
Son seul ballot sur les épaules, le poids de son corps, il avait suivi sagement le cortège jusqu'à la grande maison. À mesure qu'il avançait, des mèches rebelles balayaient l’ovale de son visage. Il remarqua le ciel taché de nuages, des mousses précipitées qui disparaissaient au-delà des clairières pour mourir. Leurs silhouettes se distinguaient nettement sur l'horizon, le cortège s’était posté devant la bâtisse en une suite de petits personnages sombres et silencieux comme découpés sur la toile du ciel. L’édifice surplombait d’un seul regard toute la vallée siégeant telle une forteresse bienveillante. Ses larges fenêtres s’ouvraient sur un jardin qui sommeillait à l’ombre d’arbres centenaires. Les lierres grimpaient sur les murs laissant apparaître un peu de jaune, un peu de rouge au crépi usé traversé par les âges tels une antique peau que l'on désirait embellir.
Les rosiers s’y agrippaient et leurs bourgeons éclataient par endroits tels de petits soleils croisant, ici et là, les nœuds de glycines.
Toutes les pièces baignaient dans un beau silence où seul le chant des cigales troublait cette quiétude en notes régulières et mélodieuses. La porte à peine entrouverte sur ce Nouveau Monde, rien n’aurait pu lui faire percevoir l’existence de ces lieux propices à engendrer l'imagination. Il entrait le cœur pur dans ce vase de sérénité où régnait une douceur de vivre appelant toutes les émotions de l’enfance, à ces regards penchés sur les choses simples de ce monde.Il observait au loin, silencieux, coupé des bruits assourdissants de notre monde, la danse désarticulée des libellules voltigeant à la cime des hautes herbes folles qui embrassaient le cours de la rivière.


"Libellule en vol"
Charlie Lamare


"Il observait au loin, silencieux, coupé des bruits assourdissants de notre monde, la danse désarticulée des libellules voltigeant à la cime des hautes herbes folles qui embrassaient le cours de la rivière"



"Ponton" un après-midi méditatif 
Jeff









"La porte à peine entrouverte sur ce Nouveau Monde, rien n’aurait pu lui faire percevoir l’existence de ces lieux propices à engendrer l'imagination"


Au soir de sa vie
Le temps s’était écoulé telle une eau dont la source s’était répandue pour se tarir là, à l’orée d’un monde qui s’échappait de ses veines.
Au soir de sa vie, il saisit cette fuite du temps et ferma pour la dernière fois les volets de sa chambre. Son regard s’était éloigné rêveur au-delà des coteaux et des pentes escarpées couverts des brumes matinales. Les couleurs de l’automne stuquaient les forêts et les prairies d’une nouvelle palette, un mélange velouté d'or et d’ocre pigmentait la terre tel un manteau de fauve.
Il contemplait le corps harassé, la valse insouciante des feuilles qui tourbillonnaient poussées par le vent. Son souffle lui parvint tel un murmure apportant un message.
Un écho grave en surgit comme arraché des profondeurs d’un âge si ancien que les hommes en avaient oublié le langage.
Le front posé contre la vitre, il contemplait, dans le ciel entre bleu et gris, le vol des grues qui s’éloignait intemporel. Elles venaient là, chaque année, et couvraient de taches blanches la surface polie de la rivière.
Leurs ailes déployées effleuraient dans un long silence les reflets verts dorés d’une eau profonde. Son enfance était là quelque part dans leurs ombres déformées qui se détachaient de la surface de l’eau.
À l'unisson, d'un seul corps, il les vit prendre soudainement de l’altitude traçant dans le ciel des cercles et crevant les nuages de leurs becs. Puis, guidées d’une inspiration nouvelle, elles s’éloignèrent dans la direction du sud. Il les regarda disparaître entre brume et pluie fine happées par l’horizon.
Il retrouvait dans les battements de leurs ailes, son enfance, la rivière en cette journée de pluie et le souvenir d’une curieuse enfant, celle d’une fillette assise au bord d’un ponton, les pieds nus se balançant dans le vide effleurant la surface de l’eau.
Elle portait un chapeau de tissus blanc noué délicatement d’un ruban bleu agrémenté d’un petit papillon blanc en dentelle. Une mèche de ses cheveux se dessinait en une boucle souple sur son cou gracile et se posait délicatement sur l’une de ses épaules.
D’une main, elle avait dégagé cette boucle puis l’avait glissée dans un chignon improvisé en relevant la tête comme pour parfaire son geste. Ses grands yeux clairs se posèrent sur lui, l’enfant de la ville.
C’est ainsi qu’il la vit pour la première, un bref instant qui resta si profondément gravé dans sa mémoire qu’il lui arrivait parfois de la voir dans ses rêves. Jamais aucun regard humain ne vit rien d’aussi intense beauté, encore qu’âgé à peine de cinq ans et bien plus jeune qu’elle, il ne pouvait alors concevoir tout l’impact de cette rencontre.
Il était resté là, bouche bée, émerveillé et perdu dans le clair de ses yeux qui semblaient rire sans qu'étonnamment qu’aucun sourire ne se signait sur son visage.



"Un sourire de vacances" Sur un petit Pont à Port-Grimaud
de Chris Dève


Je remercie les photographes de Flickr pour leur participation à mes pages, de leur enthousiasme qui les pousse à cette quête de beauté et d'absolu. N'hésitez pas à suivre leurs liens afin d'admirer leur remarquable travail.

Valérie Naelle


"Sirène" de Ciloon
Tchoun on DeviantArt
http://www.ciloon.fr/

"Libellule en vol" de Charlie Lamare
https://www.flickr.com/mail/?sentmail=1

"Ponton" un après-midi méditatif de Jeff
https://www.flickr.com/photos/jeff38/8100188863/in/faves-131200289@N07/

"Un sourire de vacances, sur un petit pont à Port-Grimaud"de Chris Dève
http://www.flickr.com/photos/chrisdeve/7780030780/

samedi 18 février 2017

SERMENTS



Silence II
Larry Nienkark


Serments


Me pardonneras-tu ce silence
Ma lenteur, mon hésitation à cette alliance
Quand liras-tu ce message
Mon cœur t'envoie cet appel en sillage
L'intensité de mes forces décuplées
Sur nos soupirs accouplés

Comment te portes-tu à ce manque enduré
Ne m'as-tu oublié dans la durée
Te souviens-tu toujours de ce rivage
Où j'ai rêvé de te sentir moins sage
Lors qu’à nos pieds se retirait la mer
Te souviens-tu de cet été doux-amer

Où tes yeux m'ont rendu fragiles
M'ont fait aimer mes chaînes en esclave docile
Où j'ai découvert que nous étions une paire
Mon âme reste comme scellée à ta chair
Je retrouve tes yeux sur tous mes paysages
Je ne peux de moi écarter ton image

Mes notes ont gardé les accords mineurs
Que je jouais pour te tirer des larmes
Je venais alors d'un souffle les sécher
Avant de déposer sur tes lèvres un baiser
Me pardonneras-tu d'avoir déposé mes armes
Donné raison à des arguments sans teneur
Posé mon étoile sur des rivages inapaisés
T'aimer aura été ma seule faiblesse cachée

À mon cœur amoureux pardonne de ne plus t'écrire
Car il ne sait les mots assez beaux pour te dire
Combien ton souvenir lui cause de délires
Mon désir voudrait faire rimer toujours
Avec l'éternité de nos serments d'amour


Valérie Naelle





dimanche 12 février 2017

Mirabilis Jalapa, Belle-de-Nuit







Belle-de-Nuit


Vous étiez l'élu de mon cœur
Vous étiez ma douceur, vous étiez ma douleur
Un dictateur, un séducteur
Mon bourreau, mon crève-cœur
Un amour consacré, unit d'ardeur, de pudeur
Dont vous étiez l'étrange ambassadeur

Je vivais en marge de vos rives
Tel un poisson cherchant à la dérive
Respirer vos étés, vos eaux vives
Dans ces contrées dont je n'étais native
Vous veniez à moi, la petite oisive
Voler un baiser tendre dans la coursive

Je buvais vos jours, je buvais vos nuits
Des secrets murmurés juste après minuit
Je rêvais nos accords, j'étais votre fruit
Dans vos bras, votre Belle-de-nuit
Une fleur sur votre torse que votre cœur séduit
Dans vos yeux, je devinais l'enfance qui fuit

Aussi loin que mes pensées s'en souviennent
J'ai gardé l'empreinte de vos mains dans les miennes
Lors, je lisais nos lignes de vie, j'étais une Bohémienne
Qui se faisais à vos regards une insolite magicienne
Espérant qu'un jour cet amour me revienne
Afin que nos toujours et à jamais nous retiennent

Je vous aimais bien plus que moi-même
Et vous aurais offert mon corps en baptême
Donné tout mon sang à en être blême
Lors, je dépose aux racines de mon amour ce poème
Mes feuilles tressées de laurier de feu  en diadème


Valérie Naelle






Photo: https://www.flickr.com/photos/capsul/3574947044/in/faves-131200289@N07/

lundi 6 février 2017

Fleur de Lotus, le message du Scribe Kahai





SOLOEGIPTO


Fleur de Lotus 
De Kahai à Meretites


Dans la quiétude des pierres
Mon chant est un paisible voyage
Un reflet de lumière qui danse
À la lisière de tes cils
Un soupir dont la résonance
A parcouru dix mille ans
D'une longue traversée sur l’infini
Ma Sœur, Ma Belle Immortelle
Mon amour s’écoule en renaissance
Sur les rivages fertiles du Nil

J’esquisserai de mon calame
Le galbe de ton visage
Je tracerai pour l’éternité
Toutes les couleurs de la vie
Mon ultime parole en héritage
À la courbe de tes paupières
J’irai où mes pas me nomment
Sur l’empreinte de tes lettres
De mes mots, je concevrai des clés
Pour ouvrir les Portes de la Création

Mon poing frappera doucement
Sur la céleste fenêtre du temps
Pour couvrir ton cœur de lumière
Je me ferai Refuge de nos âmes Sacrées
Ma main s’ouvrira en une paume
Pour bercer doucement ton corps
Je déposerai à l’aurore de tes lèvres
Les bleues lazurites de mon âme
Toutes mes pensées en averse
Pour un dernier souffle de paix

Il y a un nuage dans notre ciel
Qui se souvient que tu as été mienne
Car dans mon âme coule une larme
Peau contre peau
Je défendrai des orages de sable
Tes tourments et tes silences
L’antre de ton ventre
Qui me fait perdre la raison
J’accrocherai à la voûte de ton ciel
Des bois d’ébène perlés de cornalines

Les Seigneurs du Temps
Les Grands-Maître Pharaons
Ont versé leurs puissances
Dans les eaux du Nil
En espérance aux pluies éternelles
Mais le sable a pérennisé son passage
Sur notre  Mère-Terre en postérité
Vois comme les astres se sont égarés
Sous le berceau d’un monde
Où le Sang demeure en peine

À ces notes figées et immobiles
Dans la mouvance du temps
Sur la pierre où ma pensée
S’élève cosmique
Je dépose toutes mes forces
Mon écriture où transcrit ma ferveur
Un murmure au plus profond de mon être
Qui te dis à tort et à travers
Des mots dont la magie n’a d’éclat
Qu’à la stèle de tes yeux

Ma Sœur, Ma Femme
Ma Belle Immortelle
Aucune histoire n’est plus belle
Lorsqu'elle ne trouve jamais de fin
Si près de moi, ma fleur
Tu peux me dire enfin
« Reviens »
« Rentrons »



Valérie Naelle








Photo de Soloegipto : https://www.flickr.com/search/?sort=relevance&text=soloegipto&advanced=1

Dans le jardin des éphémères, de Meretites à Kahai





Dans le jardin des éphémères
De Meretites à Kahai



Dans le jardin aux oiseaux
J'ai délayé mes encres
Taillé mes rêves au biseau
Jeté à l'infini nos ancres
Je suis un papillon de nuit
Le chant grisé de pluie
La soie plissée d'aurore
La silhouette baignée d'or

Fille d’Isis et d'Anubis
D'une ébauche de khôl, j'esquisse
À la stèle de nos yeux, la lumière
Puisse mon feu éterniser ma prière
Afin que mon cœur ne cesse de battre
À jamais pour un amour ciselé d'albâtre
Figée dans l'ambre de ta chaleur
D'une main, j'atténue ta douleur

Nos deux lettres pérennes
Ont franchi le temps qu'égrènent
Quatre mille ans
De regards bienveillants
Nos cœurs sont à jamais couronnés
De ces doux sentiments rayonnés
Je garde nos baisers au secret
D’un serment d'amour sacré par Rê

D'un long sommeil, je renais chenille
De mes songes, j'éparpille
Des astres brisés d'écueils
Où je grave ton nom à mes recueils
Au lit de mon tombeau
Ni calice, ni flambeau
Juste l'intensité de nos mémoires
Qui me laissent au silence choir

Chrysalide, je me réveille, je mute
À ton chant, je crapahute
Je me découpe nu-pied
Des ailes d'or et de papier
Pour toi ! Kahai !
Dans le jardin des éphémères
Mes mots se font étoiles et mers
À mon âme vagabonde l’étincelle
De nos regards que l'éternité scelle


Valérie Naelle




Theleme95






http://www.livescience.com/41237-love-revealed-in-egypt-tomb.html
Credit: Photo by Ms. Effy Alexakis, copyright Macquarie University Ancient Cultures Research Centre

samedi 4 février 2017

La Boréale





www.flickr.com/delaville





Une saison d'hiver



Au royaume des oubliés
Nul n'a de visage
Sous la houle montante 
Des marées humaines
Surgit de l'asphalte déshabillé
La ville aux rumeurs qui voyage
Sur la brise évanescente
Mon souffle oscille en ce domaine



Le Grand Boulevard se prélasse
Sillonné d’artères tracées à l’eau-forte
À la lisière d'un horizon fossilisé
Étincellent  les mosaïques de verre
Aucun jour, aucune nuit ne passe
Sans le trouble de mes pensées mortes
Le soir chante sous mes godasses épuisées
La Victoire dépouillée du Square d'Anvers


Lorsque s'enlumine dans la lumière
Des Passages des Panoramas 
Le ciel couvert des murmures d'antan
Au fond de mes poches fredonne
La valse vaporeuse des bouquinières
Le Caffé  Stern fait son cinéma
Deux portes farandolent à contre-temps
La galante Vénétie qui chantonne


Le cœur des terrasses chahutent 
Les chaises s'agitent et s'entrechoquent
Les passants se pressent où paressent
À l'ombre d'une époque passée
Des pas oppressés par les minutes
Lèchent les vitrines de breloques
L’éclat d’un palais d’ivresse
Suspend la marche des empressés


Dans l’extase dénudée des toiles 
Un vide nourrit d’obscurs mirages
Des rêves où le papier glacé chemine
Depuis les parvis de béton et de métal
Au cœur d’une nuit sans étoiles
J'imagine dans cet étrange voyage
Des mots pour taire ma famine
Cette briseuse de fonction vitale


La Seine alanguie d'un sommeil boréal
S'abandonne pour un air de blues
Des triades de notes batifolent
 À la barbe des gargouilles
Ma ville se pare d'un doux vermeil nuptial
Et s’éveille telle une belle andalouse
Au petit matin si ma bohème s'envole
Mes poches rentrent bredouille



Valérie Naelle