"On est de son enfance, comme on est d'un pays"

Antoine de Saint-Exupéry

mercredi 11 novembre 2020

Dans les Jardins du Ségala








Dans les Jardins du Ségala

L'homme phare de Trompettes Girolles


Sur les chemins de Sanalmolsosa
Aux Tours de Merle, le temps s'est arrêté
À l'ombre des châteaux forts emplis de mystères
Il se chante jusqu'aux gorges de la Maronne
Des poèmes et des contes qui se fredonnent
Jusqu'au cœur de la vallée de la Cère
Sous les tapis de fleurs à peine écloses
Émergent des ruisseaux de perles claires
Des prairies où l'eau jaillissante épouse
De vertes vallées millénaires
C'est tout un monde qui naît, vit et meurt
Sous une bienveillante demeure

"Je t'écris à quel point  tu manques 
À la table d'hôte où les accents joyeux reposent "

Tu étais venu avec l'aube princière
Ayant scrupuleusement choisi ton jour
La nuit arrachait au ciel les étoiles nourricières
Tes yeux, je m'en souviendrais toujours
Deux parts lumineuses sous des tempes grises
Tes mains veinées d'anciennes couleurs
Deux piliers de sagesse ancrés dans une terre éprise
Les forces d'un antique phare veilleur
Tu arrivais de Sousceyrac, en homme paisible et discret
Celui qui d'un regard avait tout comprit
De mes silences et clos secrets
Nous cheminions opposés par un demi-siècle d'esprit

"Sans doute bien plus 
Pourtant, je ne ressentais pas la charge du temps"

À la lueur de nos lampes, je découvrais sous les châtaigniers
Tapis dans la tiédeur des mousses frivoles
Foulant des terres noires et d’humus imprégné
Ces chemins de mystères où valsent les lucioles
Sous la coupe opale d'une aube sans âge
Exhalaient d'arômes  avant l'office des matines
D’insolites parfums de fougères et de fleurs sauvages
Dans la douceur des Jardins du Ségala
Juste après la chute des pluies lutines
Ta voix chuchotait sous les premiers rayons
Sur les feuilles, paillettes d'or et lumières en éclats
Éclaboussures et reflets argentés faisaient le réveillon

"Tu découvrais ému et rêveur
La fraîcheur de mes printemps"

Dans cette belle demeure où la pensée voyage
Les branches de houx enrubannées
Poussées d'une main usée d'années en sillage
Se paraient de lierres couronnés
Tu m'avais dit d'un murmure qui ne souhaitait réveiller 
À nos pieds, l'enfant couleuvre ensommeillé 
Regarde !
Je découvrais La gauloise, Brive-la-Gaillarde
Toute la beauté du monde
Dans un champ de trompettes girolles
Telle une mer mouvante où la lumière en onde
 Illuminait les sorcières  qui valsaient en farandoles

Tu m’offrais le temps pour une prose
Pourtant !
Ces kilos d'or et de poésie en pots ont fini !

Je t'embrasse, mon bel ami
Sache d'où désormais, tu gis
Au pays merveilleux des Trompettes Girolles
Survit en nous l'empreinte de tes paroles
Tu nous contaient que le vent respire sous les pierres
Que les chants fredonnés sont des récits de lumières
Dans le langage étincelant des forces nature
Que nous sommes à la fois source et terre de pâture
À tes accents, toutes les forces de l'univers
Surgissaient sous la frisure d'herbes mentholées
Entre et sur chaque pierre posée la magie de te vers
Nous rappelle la force paisible d’un homme comblé

"Sur les chemins de ta mémoire
Je ne verserais jamais de larmes
Mais toute ma joie au souvenir de ton sourire"

Sur la carte jaunie de ton dernier printemps
Je garde précieusement ton regard bienveillant
Concentré à tresser en gestes précis
Dans la chaleur de l'âtre du Quercy
Les paniers de nos consciences
Que de fins roseaux de l'insouciance
Tu écoutais sans mot dire dans le silence
D’un homme sage emplit de patience 
Dans les Jardins du Ségala
Je suis passé par là
Où pour ma part tu demeureras 
Le roi des elfes, un grand seigneur ,notre bel ami

Un pannasseur
L'homme phare Des Trompettes Girolles

À Maurice C.


Paris 1989 (revue en 2020)





Photo de Jean-Pierre Ossorlo

samedi 17 août 2019

La résonance des pierres







Dans un berceau de lumière
 Là où meurent les étoiles
 Mon voyage est une quête
Gravé sur la pierre séculaire
Du chapiteau de l'univers
Les yeux clos drapés d'un fin suaire
L'éternité pour unique conquête
Mon chant estampé sur la toile
Luit étincelant dans la poussière
 Du portail du temps entrouvert

Suis-je la plume céleste
Sur le radeau millénaire
Qui suit les corridors sans âge
 Et emporte au-delà du miroir funeste
Toutes les âmes égarées de l'enfer
Suis-je l'astre originaire 
Sans début, ni fin et raison
Dans la demeure aux mille rivages
Que l'éternité fige telle une sphère
Et pose sur l'éclat de l'horizon 

Dans la résonance des pierres 
Les yeux grands ouverts à la lumière 
Des mondes par milliers et dérivants 
J'emporterai le rire des enfants 
Qui murmurent aux fontaines 
Le souffle indomptable des vents 
La rutilance des soleils triomphants  
Toutes les forces que déchaînent
 La course effrénée des nuages 
Où danse le phénix en leurs sillages 

Suis-je de feu et d'eau 
Le verbe exalté et limpide 
À la source de l'écho originel 
D'où surgit la noirceur de l'infini
 Qui se glisse sur le soir 
Les cendres semées d'un chaos
Qui gravitent dans le vide
La dernière sentinelle
Où s'efface d'une lente agonie
L'éclat de nos mémoires 

Enluminé d'ombres obscures
Chaque instant sur la stèle
De la pierre de la mélancolie
Se mure du silence impalpable
De nos rêves inachevés
Dans ce voyage intemporel
D'ébènes essences abreuvées
Nos paroles soufflées par les sables
Qu'effleure d'une morsure l'oubli
 S'évaporent en nuée sur l’azur


 Valérie Naelle







vendredi 13 juillet 2018

Ma part d'envolée








Ma part d'envolée

Je réclame la patience à mon impatience
La lune, les étoiles et le temps en audience
Dans la course folle des nuages
Saisir à ton front la brise qui voyage
La fuite des courants de jusant
La déflagration des vagues aux brisants 

En marge de mes rêves  
Je voyage nue sur la grève
La nuit s’est refermée sur nos cœurs 
Une terre marquée par nos rancœurs
Un chemin sans fin, sans chaleur
Déserté par l’éclat de nos couleurs

Me pardonneras-tu mes faiblesses
Ces non-dits sans lettres de noblesse
Cette part aveugle qui désavantage 
Et sans vœux d'arrimage
Où ma pensée vogue libre
Toujours en déséquilibre

À l’approche du plaisir
Dans ces instants troublés par nos désirs
Pour toi mon insolite, ma déchirure
J’ai rangé nos silences et nos blessures
D’une encre délayée que le temps achève 
Sous des lames d’abîmes où les mots crèvent

Si le tour de mon cœur est égal au tour de la terre
Bien plus grand que l’espace qui nous enserre
Si les silences sèment leurs chants à travers l’univers
Lors, je ne crains plus l’exil de mes vers
Et ma voix embrassera à jamais d'une encre sage
 Ma plus belle part d’envolée en héritage


Valérie Naelle   




Photo : Jean Marc Taveau 17340  " À table "

 https://www.flickr.com/photos/jmt17341/33481590352/in/faves-131200289@N07/

mardi 10 juillet 2018

La rivière aux amarantes






La rivière aux amarantes


Je suis la rivière qui chante 
À mon bras qui se balance
Chancelle et danse
La farandole des belles filantes
La lune ronde se couvre les yeux
D’étoles impalpables de nues
Du vol des éphémères mystérieux
Qui se meurent sur la brise ingénue
L’ombre passagère et gracile
De la mouette étincelante
Éffleure d’un battement de cils
Le flux des marées montantes
Elle traverse silencieuse
La nappe immobile et secrète
De l’étale paresseuse
Où se pavane la Grande Aigrette


Je suis la rivière vivante
Je voyage à travers des siècles de légende
Avec mes vignes de Graves si loin des Landes
Ma province a des airs de La Toscane troublante
À la lisière des crêtes qui ondulent
La pluie compose des bulles et sillonne des ridules
La brume nimbe de son manteau d’hermine
La Galante Gabare girondine
Deux cygnes valsent en panache
À la dérive sur le courant du jusant
Les encolures alanguies en arche
Leurs ailes déployées dans le néant
Crèvent les ténèbres d’une nuit
Éclairée des feux des nébuleuses
Au matin, le milan royal croise la pluie
Et l’ivresse de la mouette rieuse

Je suis la rivière mystérieuse
Méandre qui serpente lumineuse
Au flanc de L'Entre-deux-Mers
De ma province douce-amère
Mes crus fleurent les fragrances troublantes
Du feu brûlant des amarantes
L'aube esquisse d'un rayon de lumière
Et d'éclats de grenat la flamboyante rosace
De la paroisse tournée vers l'estuaire
Les palombes signent sur l'azur ma dédicace
Au fil des saisons que le temps barbouille
Ni la tempête océane, ni la houle tourmentée
Ne viennent briser le silence des gargouilles
Dont les gueules crachent des larmes argentées

Valérie Naelle






samedi 22 avril 2017

La Fontaine aux Perroquets




      


Plume bleue "Maëlys" Novembre 2019


La Fontaine aux Perroquets 


À l'ombre des grands peupliers
 À ciel couvert par un doux bleu d'opale 
Un jardin d'hiver ouvre toutes ses portes 
Sur un château de fées 
À l'ombre des cyprès 
Des châtaigniers et des marronniers 
En aval d'un chemin de mystère 
Sous le regard des statues de pierres amusées 
Une fontaine abrite sans discrétion d'étranges oiseaux
Des clandestins  aux cris railleurs
Aux plumages multicolores arrivés des pays lointains
Ces oiseaux moqueurs sont d'audacieux voltigeurs
Sur la surface de l'eau, sans ménagement
Ils ont pris possession de cet océan des merveilles
Le parc aux allées de dentelles étincelantes
 Gardé fidèlement par d'antiques dieux
Est resté à découvert de ces pilleurs
De biscuits de qualité supérieurs uniquement
Le cru de ce qu'il se fait de mieux
Dans la ville de Sceaux où l'ont dit
Les boulangers et les chocolatiers sont les meilleurs 

Voltigeant de-ci, de-là
Ils quittent les sous-bois de ce petit coin de paradis
Poursuivant les promeneurs jusqu’à les débusquer
Sous les cerisiers japonais
Ils viennent mendier et picorer été comme hiver 
Puis s’en vont ragaillardis 
Ces canailles désinvoltes ont l’audace  
De ne point connaître la monnaie
Ces oiseaux malicieux vont à la quête 
Comme ils vont au bal sans jamais se soucier
Sous le regard suffisant des merles râleurs 
Et des cygnes emmitouflés d'hermine
J’ai dans le cœur la douceur des étendues de jade 
Des sapins à l'aplomb rectilignes
Et des jets spectaculaires émergeant des bassins
 Pour la plus grande joie des flâneurs  et des écoliers


Valérie Naelle

Sceaux, janvier 2013-02-07





Pour toi Maëlys, ma puce
Je sais que tu adores cette chanson


samedi 4 mars 2017

L'instant de la Truite Arc-en-Ciel (2)





"Emma" 



La Maison des êtres Rêvés

Elle se leva sans le quitter du regard, l’air battait sa robe de dentelle blanche. Elle marcha dans sa direction, puis s’immobilisa comme arrêtée à la limite du monde.
L’instant ne dura que quelques secondes, une truite arc-en-ciel se souleva des eaux et en éclaboussa la surface. Une pluie fine se mit à tomber, filtrant les rayons du soleil, troublant le flux régulier de l’eau en éclat de perles lumineuses. C’est alors qu’il la vit plonger dans la rivière et suivre les remous du poisson sauvage. Elle nagea une longue brasse sous l’eau, les boucles de ses cheveux se dispersèrent à la surface formant le contour vague d’une aile d’ange puis, elle disparut aussi brusquement qu’elle lui était apparue.
Dès cet instant, son cœur s’était mis à battre comme au premier jour de sa naissance et il ne cessa de battre durant toute une vie pour deux perles opalines et une mèche de cheveux tombant négligemment sur une épaule d’enfant. 
Il ne la revit jamais, ce n’est pourtant pas faute de l’avoir désespérément cherché toute sa vie. Son corps changeait, mais son cœur restait amoureux avec cette constance qu’ont les âmes pures à aimer. Il regagnait chaque fois qu’il lui fut possible la maison de son enfance où il ne manquait jamais de revenir sur le ponton espérant la retrouver.
Les années qui suivirent ne prirent leur importance que dans l’attente du parcours qui guidait ses pas jusqu'aux portes de sa bâtisse. 
À son fronton, une inscription avait été gravée, un regard posé sur la pierre, l’on pouvait sans résultat en déchiffrer le contenu. Le temps avait épuisé la roche et rendu la phrase à peine lisible. Chaque été, lorsqu'il en ouvrait enfin l’accès de sa maison après l'attente interminable des jours passés en ville, le temps s’arrêtait au seuil de ce nouveau monde dont lui seul avait les clefs et les secrets.
Le temps avait fini par peindre dans ses cheveux de son mystérieux pinceau, les couleurs de l’hiver. Au plus beau jour de sa vie, il choisit de clore les pages de son existence à la recherche de son rêve. 
Ce fut avec une profonde tristesse qu’il quittât la maison de son enfance et qu’il descendit, pour une dernière fois, les escaliers de bois qui le menaient à la rive.



"Le Héron Bleu"
Dan


C

’est alors qu’une chose étonnante se passa, il pouvait nettement lire au fronton de sa maison les inscriptions gravées dans la pierre. Son cœur se mit à battre si fort que sa poitrine gonflée par ce nouveau souffle lui fit atrocement mal.
Puis, se retournant, il la revit l’instant d’un souffle sublimé par l’intensité d’un regard d’enfant. Cet instant qui vous porte toute votre vie et vous pousse à parcourir le monde à la recherche de ce rêve qui n'existe nulle part ailleurs qu’au plus profond de votre cœur. 
Elle sortit de l’eau et longea la rive, il se mit à la suivre où chaque seconde passée semblait se consumer interminablement. Il franchit en haletant les hautes herbes et les fougères arborescentes en dévalant le chemin escarpé qui menait à la rivière. Il se retrouva là, debout, essoufflé, attendant quelques sortilèges pour retenir l’amour de sa vie. Lorsque ses yeux se posèrent sur ses mains, il comprit l’essence ultime de sa quête. 
Il avait cinq ans, toute sa vie, il avait eu cinq ans, il avait gardé en lui cet âge doux des âmes pures qui parfois s’oublient, les Âmes des Êtres Rêvés et sa maison en avait été le château. 
Elle était là, elle le regardait avec ce léger sourire qu’ont les anges lorsqu'ils s’apprêtent à faire quelques bêtises, pris en flagrant délit, le doigt plongé dans le pot de confitures.
Il goûtait avec délice cet instant de magie absolue tel au jour où il la vit pour la première fois. Le temps arrêté le renvoyait à cet instant unique dont la magie avait empli son cœur et mené aux choses les plus simples, celles de son enfance.
Elles avaient grandi en lui et sans s’en apercevoir, il n’avait pu saisir qu’elles n’étaient pas seulement en lui mais qu’elles faisaient partie de cet être, de cet homme dont il possédait le corps.
Une truite arc-en-ciel se souleva des eaux sombres de la rivière, elle éclaboussa la surface polie par les rayons du soleil. Une pluie fine se mit à tomber, le soleil perça les nuages et la lumière se répandit à la surface de l’eau créant des remous de perles opalines. 
La fillette au chignon mal ajusté murmura une phrase que seul son cœur pouvait déchiffrer où les mots avaient traversé le temps pour finalement lui parvenir. Ces mots lui soufflaient la vie, tous les secrets, toutes les questions et les réponses qui l’avaient assailli au long de son existence.
Puis, elle plongea dans l’eau, il l’a suivi sans hésiter. Il nagea aussi fort que cela lui fut possible et jusqu'à l’épuisement.
Est-ce ainsi que les cœurs amoureux se retrouvent ? Personne ne le sait et ne le saura jamais. Après une vie bien consumée, il trouva sur une autre rive tous les fruits de son enfance et la certitude d’avoir et de savoir les choses les plus simples.




Opaline





Sambatra izay mahita ny làlana mankany amin'ny zavatra tsotra
Sambatra, ireo izay efa nitandrina ny zanany ny fanahy
sy tena tsara iray tsy manam-paharoa halehiben'ny fitiavana
Tonga soa ho anao, tao an-tranon'i nanonofy olombelona
Nos marins racontent que certains jours sont meilleurs que d’autres, ces jours où l’on ne sait pourquoi la nature est si bonne avec l’homme, que la pêche à la truite est comme miraculeuse. Lorsque leurs bateaux entrent en direction du port brisant les eaux floues qui les assaillent, cherchant désespérément dans les ténèbres salées, leurs voies à la lueur du phare, ils perçoivent au loin sur la berge une étrange vision. 
Le ciel obscurci se dégage à l’embouchure, la lumière soulève lentement au-dessus des eaux froides, une brume étrange qui caresse l’eau.
À un moment précis de cette journée, entre pluies fines et ciel d’un bleu étincelant, ils peuvent observer la silhouette floue de deux enfants qui courent et qui se tiennent par la main. La chose pourrait sembler assez banale, si ce n’est qu'évoquant cette furtive vision, ils s’étaient rendu compte qu’ils parlaient des mêmes enfants au même moment, mais à des endroits différents.
Cet instant, ils la nomment, L’instant de la truite Arc-en-Ciel. Cet instant où le sel de la mer se fusionne aux eaux douces de la rivière, d’une étreinte perpétuelle sans jamais qu’aucun des deux ne s’étreignent.
Lorsque vous aurez un peu de temps pour les choses, les plus simples, changez votre route, bifurquez et prenez celle qui mène à vos inspirations, pourquoi pas à celles de votre enfance.
Puis, sans doute, vous arrêterez-vous un jour devant ma maison, celle des Êtres Rêvés. Une maison dont la peau usée par le temps se couvre de lierres et de glycines.
Vous la reconnaîtrez, car à son fronton sont gravées ces quatre phrases. 



Valérie Naelle


"Clos Pichat-Parc Pichat-Pierres dorées"
Vallée d'Azergues
de tamycoladelyves

Heureux, celles et ceux qui trouvent leurs chemins aux choses les plus simples
Heureux, celles et ceux qui ont su garder leur âme d’enfant
Et la sublime grandeur d’un amour unique
Bienvenue, à vous dans la maison des Êtres Rêvés

Valérie Naelle



Je remercie les photographes de Flickr pour leur participation à mes pages, de leur enthousiasme qui les pousse à cette quête de beauté et d'absolu. N'hésitez pas à faire un pas sur leurs liens afin d'admirer leur remarquable travail.


« Emma » et Emma "Explored" de 7ns (****)
https://www.flickr.com/photos/by_7ns/14865621068/in/faves-131200289@N07/

"Le Héron bBleu" dans jardin botanique de Montréal de Meunière Dan

Clos Prichat- Parc Prichat-Vallée de Vezègues de Tamycoladelyves
https://www.flickr.com/photos/natureboheme/collections/72157631539294114/

jeudi 2 mars 2017

L'instant de la Truite Arc-en-Ciel (1)




"Sirène" de Ciloon 


L’instant de la Truite Arc-en-Ciel (I)
de Valérie Naelle


L'enfance miraculeuse


E
n traversant les prés jusqu'à la lisière des bois, foulant les parterres d’herbes folles, où de fières pâquerettes à têtes blanches resplendissaient dans la clarté du jour, il perçut qu’une chose  résolue changerait sa vie. Il posa pour la première fois son regard sur la maison et ce fut avec des yeux d’enfant ébloui par l’éclat des prairies qui l'entouraient. 
À perte de vue, de larges bandes rectilignes jaunes s'étendaient jusqu'à dévorer l'horizon, comme si une main prévenante avait façonné puis laqué de lumière la terre. Le soleil, une boule brûlante suspendue dans le bleu du ciel semblait s'impatienter dans les premiers rayons du jour. 
Les belles sorcières dansaient dans la douce lumière du matin, en un ballet étourdissant de plumes légères. Elles s’envolaient rebelles et impalpables à l’assaut des vents en prenant la direction de la rivière. Un souffle frais parfumait l’air, murmurait d’un léger courant l’étendue rayonnante des feux dorés du soleil.
Son seul ballot sur les épaules, le poids de son corps, il avait suivi sagement le cortège jusqu'à la grande maison. À mesure qu'il avançait, des mèches rebelles balayaient l’ovale de son visage. Il remarqua le ciel taché de nuages, des mousses précipitées qui disparaissaient au-delà des clairières pour mourir. Leurs silhouettes se distinguaient nettement sur l'horizon, le cortège s’était posté devant la bâtisse en une suite de petits personnages sombres et silencieux comme découpés sur la toile du ciel. L’édifice surplombait d’un seul regard toute la vallée siégeant telle une forteresse bienveillante. Ses larges fenêtres s’ouvraient sur un jardin qui sommeillait à l’ombre d’arbres centenaires. Les lierres grimpaient sur les murs laissant apparaître un peu de jaune, un peu de rouge au crépi usé traversé par les âges tels une antique peau que l'on désirait embellir.
Les rosiers s’y agrippaient et leurs bourgeons éclataient par endroits tels de petits soleils croisant, ici et là, les nœuds de glycines.
Toutes les pièces baignaient dans un beau silence où seul le chant des cigales troublait cette quiétude en notes régulières et mélodieuses. La porte à peine entrouverte sur ce Nouveau Monde, rien n’aurait pu lui faire percevoir l’existence de ces lieux propices à engendrer l'imagination. Il entrait le cœur pur dans ce vase de sérénité où régnait une douceur de vivre appelant toutes les émotions de l’enfance, à ces regards penchés sur les choses simples de ce monde.Il observait au loin, silencieux, coupé des bruits assourdissants de notre monde, la danse désarticulée des libellules voltigeant à la cime des hautes herbes folles qui embrassaient le cours de la rivière.


"Libellule en vol"
Charlie Lamare


"Il observait au loin, silencieux, coupé des bruits assourdissants de notre monde, la danse désarticulée des libellules voltigeant à la cime des hautes herbes folles qui embrassaient le cours de la rivière"



"Ponton" un après-midi méditatif 
Jeff









"La porte à peine entrouverte sur ce Nouveau Monde, rien n’aurait pu lui faire percevoir l’existence de ces lieux propices à engendrer l'imagination"


Au soir de sa vie
Le temps s’était écoulé telle une eau dont la source s’était répandue pour se tarir là, à l’orée d’un monde qui s’échappait de ses veines.
Au soir de sa vie, il saisit cette fuite du temps et ferma pour la dernière fois les volets de sa chambre. Son regard s’était éloigné rêveur au-delà des coteaux et des pentes escarpées couverts des brumes matinales. Les couleurs de l’automne stuquaient les forêts et les prairies d’une nouvelle palette, un mélange velouté d'or et d’ocre pigmentait la terre tel un manteau de fauve.
Il contemplait le corps harassé, la valse insouciante des feuilles qui tourbillonnaient poussées par le vent. Son souffle lui parvint tel un murmure apportant un message.
Un écho grave en surgit comme arraché des profondeurs d’un âge si ancien que les hommes en avaient oublié le langage.
Le front posé contre la vitre, il contemplait, dans le ciel entre bleu et gris, le vol des grues qui s’éloignait intemporel. Elles venaient là, chaque année, et couvraient de taches blanches la surface polie de la rivière.
Leurs ailes déployées effleuraient dans un long silence les reflets verts dorés d’une eau profonde. Son enfance était là quelque part dans leurs ombres déformées qui se détachaient de la surface de l’eau.
À l'unisson, d'un seul corps, il les vit prendre soudainement de l’altitude traçant dans le ciel des cercles et crevant les nuages de leurs becs. Puis, guidées d’une inspiration nouvelle, elles s’éloignèrent dans la direction du sud. Il les regarda disparaître entre brume et pluie fine happées par l’horizon.
Il retrouvait dans les battements de leurs ailes, son enfance, la rivière en cette journée de pluie et le souvenir d’une curieuse enfant, celle d’une fillette assise au bord d’un ponton, les pieds nus se balançant dans le vide effleurant la surface de l’eau.
Elle portait un chapeau de tissus blanc noué délicatement d’un ruban bleu agrémenté d’un petit papillon blanc en dentelle. Une mèche de ses cheveux se dessinait en une boucle souple sur son cou gracile et se posait délicatement sur l’une de ses épaules.
D’une main, elle avait dégagé cette boucle puis l’avait glissée dans un chignon improvisé en relevant la tête comme pour parfaire son geste. Ses grands yeux clairs se posèrent sur lui, l’enfant de la ville.
C’est ainsi qu’il la vit pour la première, un bref instant qui resta si profondément gravé dans sa mémoire qu’il lui arrivait parfois de la voir dans ses rêves. Jamais aucun regard humain ne vit rien d’aussi intense beauté, encore qu’âgé à peine de cinq ans et bien plus jeune qu’elle, il ne pouvait alors concevoir tout l’impact de cette rencontre.
Il était resté là, bouche bée, émerveillé et perdu dans le clair de ses yeux qui semblaient rire sans qu'étonnamment qu’aucun sourire ne se signait sur son visage.



"Un sourire de vacances" Sur un petit Pont à Port-Grimaud
de Chris Dève


Je remercie les photographes de Flickr pour leur participation à mes pages, de leur enthousiasme qui les pousse à cette quête de beauté et d'absolu. N'hésitez pas à suivre leurs liens afin d'admirer leur remarquable travail.

Valérie Naelle


"Sirène" de Ciloon
Tchoun on DeviantArt
http://www.ciloon.fr/

"Libellule en vol" de Charlie Lamare
https://www.flickr.com/mail/?sentmail=1

"Ponton" un après-midi méditatif de Jeff
https://www.flickr.com/photos/jeff38/8100188863/in/faves-131200289@N07/

"Un sourire de vacances, sur un petit pont à Port-Grimaud"de Chris Dève
http://www.flickr.com/photos/chrisdeve/7780030780/