J'ai contemplé au nord les hauteurs de Shouyang À leurs pieds un vieil homme coupait les osmondes
Sur leur sommet croissaient des arbres magnifiques
Reverra-t-on un jour un matin auspicieux ?
Le givre a pris en glace le col de ma robe.
Un cruel aquilon fait frissonner les monts
Et de noires nuées s'élèvent, lourdes d'ombres.
Des oies sauvages pleurent en partant vers le sud,
Un épervier fend l'air de son cri désolé.
La note shang s'en va, peignant le monde en blanc
En un très long sanglot qui me blesse le cœur
XXXII
Les rayons du matin ne brillent pas deux fois
Le blanc soleil très vite disparaît à l'ouest
Un hochement de tête et nous voilà partis.
Pourquoi faudrait-il donc prendre mine d'automne ?
La vie de l'homme n'est que poussière et rosée
Quand à la Voie du Ciel, elle est si loin de nous…
Le jour où Jin de Qi a gravi la montagne,
Ses larmes ont coulés en flots entremêlés
Quand Confucius, le Saint, s'est penché sur le Fleuve,
Il s'est fort attristé de sa fuite rapide.
Je ne puis rattrapé celui qui est parti
Et ne saurait attendre celui qui viendra.
Je voudrais tant monter au sommet du mont Hua
Pour y baguenauder avec messire Song
Le pêcheur savait bien que le monde est mauvais
Sur sa barque légère il céda au courant
"Le merveilleux avec le poète Ruan Ji; malgré le temps qui nous sépare, il reste pour toujours contemporain . Juste deux strophes de ce poème magnifique. En fonction de l'humeur, on ne le perçoit jamais de la même manière. C'est toujours avec exaltation que je relis l'un de mes poètes préféré dont je me suis sentie si proche telle, une vieille amitié perdue quelque part dans le temps.
J'aime la fougue, la liberté sauvage de Li Bai, l'amour que portait dans son cœur notre belle nature, Wang Wei. Il est triste de m'avouer que je n'ai jamais ressenti cette émotion pour nos poètes européens qui ont pourtant tant de beauté également. On ne peut contrôler son cœur ou l'astreindre à la volonté d'une exigence même culturelle.
Nous avons beau marché pour trouver le chemin qui nous paraît le plus beau pour s'émerveiller d'un paysage, nous suivons toujours ce sentier familier qui touche notre cœur. En finalité, que cette émotion vienne du nord ou du sud, qu'elle ait parcourue des siècles, qu'elle vienne du fond des âges, d'un pays si lointain dont vous ne verrez sans doute jamais le paysage, seule l'émotion pure qui nous porte, le respect et l'humilité que nous ressentons à lire et relire demeure la plus belle preuve d'amour des mots."